Dans la collection de archeobd 
GAMABENZENO, 1/3 Elevation - poème de Charles Baudelaire, les fleurs du mal - Illustration originale
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1/3 Elevation - poème de Charles Baudelaire, les fleurs du mal

Illustration originale
2024
Encre de Chine
Gouache blanche
30 x 42 cm (11.81 x 16.54 in.)
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Détail 1
Détail 2
Détail 3
Détail 4
Détail 5
Détail 6
Détail 7
Portrait photographique du poète

Description

Première planche d'une série de trois de la troisième traduction graphique de poèmes issus du recueil "Les fleurs du mal" du poète Charles Baudelaire.

Inscriptions / Signatures

Signée au bas à droite, dans dernière case

Commentaire

Création graphique et poésie

Tout en vous laissant porter par cette œuvre, je vous propose de l'accompagner musicalement par "Awaken" du groupe YES. Il ne s'agit pas d'un simple accompagnement musical mais d'un tout formé par l'image et le son, une sorte de mutuelle mise en résonnance.

https://www.bing.com/videos/riverview/relatedvideo?&q=awaken+yes&&mid=AEB7027DA8F5E6CAC872AEB7027DA8F5E6CAC872&&FORM=VRDGAR


Commentaire de l'artiste


"Je pense que cette bande dessinée en particulier mérite une explication. Elle est très influencée par mes expériences psychédéliques, j'y ai évidemment inclus certaines visions que j'ai eues avec l'Ayahuasca et dans des rêves... J'y ai également inclus la conception que j'ai de l'évolution, de la roue du karma, de la mort et de la théorie des cordes. Curieusement, je suis tombé sur un article sur Twitter qui confirmait ce que je dessinais, j'ai donc renforcé davantage l'idée du tissu cosmique et de la vibration qui connecte tout."


Élévation
Au-dessus des étangs, au-dessus des vallées,
Des montagnes, des bois, des nuages, des mers,
Par delà le soleil, par delà les éthers,
Par delà les confins des sphères étoilées,


Mon esprit, tu te meus avec agilité,
Et, comme un bon nageur qui se pâme dans l’onde,
Tu sillonnes gaiement l’immensité profonde
Avec une indicible et mâle volupté.

Envole-toi bien loin de ces miasmes morbides ;
Va te purifier dans l’air supérieur,
Et bois, comme une pure et divine liqueur,
Le feu clair qui remplit les espaces limpides.

Derrière les ennuis et les vastes chagrins
Qui chargent de leur poids l’existence brumeuse,
Heureux celui qui peut d’une aile vigoureuse
S’élancer vers les champs lumineux et sereins ;

Celui dont les pensers, comme des alouettes,
Vers les cieux le matin prennent un libre essor,
- Qui plane sur la vie, et comprend sans effort
Le langage des fleurs et des choses muettes !


Commentaires : un mouvement d’élévation vers la recherche de l’idéal

Le mouvement d’élévation
En premier lieu, le titre du poème est développé sur les deux premiers quatrains qui forment une seule phrase. Le premier quintil n’est constitué que de compléments circonstanciels de lieu, précédés d’adverbes de lieu employés en anaphore (répétés) : « au-dessus », « par-delà ». Ce procédé permet de mimer de manière mélodique à la fois l’effet de mouvement et d’éloignement du monde, et renvoie à une forme d’incantation (formule à connotation souvent religieuse qui crée par répétition un envoûtement qui amène à dépasser le réel.
Cette organisation met en place une gradation qui traduit le passage du monde terrestre d’abord étouffant, stagnant, voire même glauque (qui rappelle un étang par exemple), vers le monde céleste. Cette transition s’opère par étapes : « montagnes, nuages, mers célestes », puis « éthers » (désigne l’air le plus pur) et enfin « confins des sphères étoilées », qui se déploie tout le vers 4.
Par ailleurs, on remarque que les rimes unissent les contraires : « vallées » / « étoilées » ou peuvent annoncer une comparaison (ou une correspondance), comme dans le deuxième quintil, avec « mers » et « éthers ».
La proposition principale de la phrase est rejetée au vers 5, « mon esprit, tu te meus », avec une mise en valeur du groupe nominal « mon esprit ». Ainsi, l’élément central du poème est déterminé : il s’agit de l’âme du poète à laquelle il s’adresse en la tutoyant : « tu te meus », « tu sillonnes », « envole-toi »…
Les verbes « mouvoir » et « sillonner » sont des verbes d’action conjugués au présent de l’indicatif, ce qui marque une action en cours de réalisation au moment de l’écriture du poème (présent d’énonciation). On peut dire à ce propos que l’esprit du poète est personnifié : comparé à « un bon nageur », il est associé en complément circonstanciel de manière « avec agilité », ce qui traduit toute l’intensité, le plaisir et l’aisance de l’esprit du poète à évoluer dans ce monde supérieur.
Baudelaire a également inclus une référence à l’univers liquide afin d’évoquer l’air pur ; cette correspondance permet de lier les éléments eau et air en suggérant au lecteur une impression de pesanteur originelle (rappelant le fœtus dans le liquide amniotique au sein du ventre de sa mère). L’emploi des sonorités dans le vers 6 souligne cette douceur : « on-n-ge-â-me-an-on », par l’idée de glissement.
Il y aurait donc un désir de revenir aux sources de la vie en s’élevant vers un ailleurs qui ne semble pas avoir de réalité matérielle, comme si cet ailleurs était purificateur.

Le « monde d’en haut »
Avant d’accéder à l’Idéal, l’esprit du poète doit donc « s’élever » et suivre une ascension progressive, comme un rite purificateur. En effet, l’utilisation des impératifs « envole-toi », « va » et  « bois », chacun placés en début de vers, renforce cette impression d’urgence du départ.
De ce fait, le monde d’en haut se caractérise en premier lieu par sa pureté et sa lumière, contrairement au monde terrestre, sale et remplie de « miasmes morbides ». Les miasmes désignent une émanation censée causer maladies et épidémies ou un gaz putride provenant de substances en décomposition (cadavres par exemple).
Par la suite, un véritable réseau de correspondances se tisse en vue de créer une harmonie, un équilibre de nature apollinienne (adjectif qui provient du dieu Apollon, caractérisant l’ordre, la mesure, la sérénité, et donc la beauté en harmonie).
Ce monde supérieur a trait aussi au Divin, comme le confirme l’adjectif antéposé « divine » dans « divine liqueur », qui produit un effet d’ivresse en lien avec l’envol suggéré.
Néanmoins, en dépit des tentatives du poète pour échapper au monde terrestre, et trouver la quintessence (le plus pur de quelque chose) du bonheur, le poète ne semble pas pouvoir y parvenir totalement. Sa nature l’oblige à errer sur terre au milieu des « miasmes », monde dans lequel « ses ailes de géant l’empêchent de marcher » (« L’Albatros »). Par conséquent, peut-on dire qu’il y ait une réelle libération pour le poète?

La médiocrité du monde réel

Vision du monde réel et poids du spleen
Le monde terrestre est évoqué tout au long du poème, soit de manière explicite, soit plus subtilement. Quoi qu’il en soit, le poète est hanté par cet univers. Par exemple, celui-ci affirme l’idée de pesanteur ressentie sur terre, par la formule « chargent de leur poids » (v. 14). On remarquera à cet effet le jeu de sonorités qui mime la lourdeur.
Comme évoqué précédemment, ce monde est également impur ; le monde porte en lui le Mal, la maladie, et surtout, le pire aux yeux de Baudelaire, l’Ennui. « Ennuis » au pluriel porte ici un sens très fort, celui des souffrances. La formule « ennuis et vastes chagrins » au pluriel permet d’ailleurs d’intensifier et d’insister sur la douleur du poète.
Dès lors, le monde terrestre apparaît dans ce poème comme l’exact contraire du monde de l’Idéal. À la liberté, symbolisée par le « libre essor », correspond l’emprisonnement. L’extase affronte les « ennuis et vastes chagrins » ; la purification lutte contre les « miasmes » ; l’immensité profonde s’oppose à l’immensité des chagrins et enfin, les champs lumineux et sereins combattent l’ « existence brumeuse ».

Chute de l’esprit en proie au Spleen
La métaphore filée (suite de métaphores du le même thème) de l’oiseau dans les deux derniers quatrains évoque la liberté de l’esprit du poète : « envole-toi », « d’une aile vigoureuse », « comme des alouettes », « prennent un libre essor ».
Cette métaphore, à travers l’image, ou plus précisément le symbole de l’alouette (oiseau capable de monter très haut dans le ciel et de plonger ensuite très rapidement) fait transparaître la volonté du poète de se libérer du monde matériel afin d’aller vers un monde spirituel, un monde invisible et supérieur auquel on accède par le langage des correspondances (dont la formule célèbre est « les parfums, les couleurs et les sons se répondent »).
Toutefois, le jeu des pronoms durant le poème suggère l’échec du poète dans sa quête, dans la mesure où celui-ci évoque d’abord son esprit à la première personne : « Mon esprit », puis le tutoie : « tu te meus », « tu sillonnes », agrémenté des impératifs qui incluent une première mise à distance. À partir du troisième quintil, on note un passage à la troisième personne où il n’est plus question du poète mais plutôt d’un « Heureux » éventuel qui aurait la chance d’accéder à l’Idéal.
Ce finale semble donc matérialiser l’échec du poète à atteindre cet Idéal qui, à l’image du recueil, reste inaccessible.

Conclusion
Le poète, maudit, vit dans l’échec sans parvenir à s’y soustraire. Son désir de s’élever vers un monde supérieur n’est pas encore réalisable, mais seulement par l’écriture poétique. Baudelaire rêve en réalité de volupté (de plaisir) spirituelle, à laquelle il accèdera, comme le lecteur par la même occasion, que par la compréhension du système des correspondances, mis en poème dans le sonnet suivant des Fleurs du Mal.
(source : aufutur.fr)

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